Défense de l'école hanafite - chapitre 3
Résumé et traduction du Livre.
CHAPITRE 3.
LES RÈGLES DE FIQH HANAFITES NE PEUVENT ÊTRE DÉMOLIES PAR LA MÉTHODOLOGIE DES AUTRES ÉCOLES.
La théorie légale hanafite repose sur des principes généraux (alors que la théorie shafi'ite est tournée vers une interprétation plus stricte et littéraliste).
La première tâche d'un juriste hanafite confronté à une question est de voir si elle s'inscrit dans un principe général, si oui elle prend son hukm. Sinon il faut chercher un autre principe.
La question est donc : où le juriste trouve-t-il le principe ?
-Il peut être énoncé dans le Coran en termes généraux (ex. toutes les ventes sont permises sauf celles comprenant du riba)
-Dans une sunna authentique (ex. al-kharak bi al-daman)
Autres moyens de trouver un principe, parfois :
-Via un grand nombre de cas déjà établis par la loi (ex. les animaux qui rendent l'eau impure)
(Abu Hanifa a remarqué que la plupart des animaux qui rendent l'eau impure, leur chair est haram, il en a déduit le principe que l'animal dont la chair est haram rend l'eau impure)
-Formulé par un juriste
(La pratique de l'école est de suivre les principes formulés par les juristes précédents. Par exemple les principes tenus par Ibrahim an-Nakha'i sur le riba ont été suivis par Shaybani et les autres juristes.)
Les principes déduits par les juristes sont bien sûr moins forts que ceux établis par les textes.
L'opinion d'un compagnon est contraignante dans le système hanafite. Ainsi, un principe déduit par un compagnon est plus fort qu'un principe déduit pas un juriste postérieur.
Cependant, un principe déduit par un juriste peut devenir plus fort via l'ijmaa'.
Des caractéristiques de la théorie hanafite :
-Le terme général ('amm) sur lequel le principe général est basé est décisif
-La loi est déduite du principe général (établi explicitement dans les textes ou déduit par les juristes via des cas déjà établis par la loi)
-L'opinion d'un compagnon, qui peut renforcer un principe général
-L'ijmaa', qui est utilisé pour assurer le statut décisif d'un principe déduit autrement
-Le rejet de l'implication d'un khabar waahid quand il contredit un principe général. On considère alors que la narration s'applique à un autre cas.
Ces caractéristiques ont permis à la loi hanafite de rapidement se développer grâce à la flexibilité des principes généraux, qui ont aussi permis la cohérence interne du système. Cet effort de cohérence a indirectement permis d'atténuer l'effet des narrations faibles ou non cohérentes avec le système global.
Cette méthode s'est davantage focalisée sur le texte que sur la chaîne de transmission, en permettant parfois l'usage de chaines faibles quand le texte est en accord avec les principes généraux, car dans de tels cas, la sens est déjà contenu dans l'implication des principes (sans ces narrations faibles, le sens aurait pu être quand même déduit des principes généraux).
Pour ceux qui donnent plus d'importance à la chaîne de transmission, ça peut sembler étrange d'accepter parfois des chaînes faibles et rejeter des chaînes bonnes, mais le but des hanafites était la cohérence et la formation de principes généraux.
Quand une opinion d'un compagnon existe, c'est elle qui détermine le sens des textes. Car on suppose que le compagnon avec sa plus grande science connaît le sens des textes en question.
(Ahl al-Hadith devait considérer que ça revenait à mettre l'opinion du compagnon au dessus de la sunna. Pour eux, seule la sunna détermine le sens du Coran, et la parole du compagnon n'est acceptée que si elle est en accord avec la sunna.)
Le résultat d'une telle méthodologie est que les traditions basées sur des narrations ahad ne sont pas appliquées littéralement. Elles sont confrontées aux principes généraux. Si elles sont en accord, elles sont acomodées avec, sinon elles sont appliquées à d'autres cas que ceux couverts par le principe général.
Shafi'i lui, a réduit la force des principes généraux. Ains pour lui, la narration ahad doit être appliquée peu importe son contenu, tant que la chaîne est complète. Si la tradition s'oppose au principe général, il considère que le principe est restreint selon ce que la tradition implique.
[Pour résumer :
Hanafites : le principe général restreint le khabar waahid.
Shafi'ites : le khabar waahid restreint le principe général.]
[Je saute un passage trop technique et lourd à traduire. En résumé Imran explique que les shafi'ites (ainsi que les autres écoles mais surtout les shafi'ites) étaient intéressés par les principes généraux des hanafites, mais comme ça ne collait pas avec leur approche littéraliste, ils les ont inclus dans une théorie distincte (usul al-fiqh). Puis Imran raconte l'historique des maqaasid al-sharii'ah. Imran dit que ces maqaasid pouvaient déjà être formulés avant en tant que principes juridiques généraux.]
La méthodologie hanafite empêche la démolition des principe juridiques généraux. Démolition, car si l'on s'éloigne peu à peu d'un principe général, il finira par disparaître.
Une règle générale ('aziimah) peut être suivie par une exception (rukhsah). Par exemple le vin est interdit excepté en cas de contrainte, ou le jeûne est obligatoire le mois de Ramadan, excepté en voyage.
Selon certains juristes, toute la loi peut être divisée entre règles générales et exceptions.
L'analogie (qiyaas) ne peut pas se baser sur les exceptions, seulement sur les règles générales.
Par exemple le contrat salam est une exception (qui permet dans certains cas de ventre une chose qui n'existe pas encore), mais on ne peut pas faire d'analogie dessus pour autoriser d'autres types de contrat (comme le font les banques islamiques).
Pourquoi ne peut-on pas faire d'analogie sur une exception ?
Parce que l'exception va par définition à l'encontre de la règle. Si d'autres exceptions sont autorisées sur la base de l'exception, la règle générale finira par disparaître.
Ceux qui ne comprennent pas la cohérence interne des systèmes légaux disent souvent : "Mais l'exception a sa propre règle". Ces savants sont littéralistes, ils ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre les règles légales, que ce soit de la sharii'ah ou des lois laïques. Presque tous les systèmes légaux comprennent cette règle. Par exemple la loi française dit : "Toute exception non surveillée tend à prendre la place du principe".
En d'autres mots, ça démolit le principe général.
Toute la méthodologie hanafite est conçue pour éviter cette démolition :
-L'analogie ne peut pas être basée sur une exception
-Le khabar waahid ne peut pas restreindre le général ('aamm) qui est qat'ii (décisif)
-Une preuve ou sens zannii (non décisif) ne peut pas restreindre le sens général
-L'analogie ne peut pas restreindre un principe général, c'est la signification de l'istihsaan, le principe général sera favorisé
-La restriction (takhsiis) n'est pas possible via un argument rationnel. Un principe général se dégageant des textes, que ce soit directement ou indirectement, ne peut pas être restreint sur la base de la raison humaine.
L'approche des autres écoles sur la question des principes généraux ainsi que leur méthodologie littéraliste a comme effet la démolition ou l'affaiblissement des principes généraux, ce qui n'est pas acceptable.
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